Chủ Nhật, 24 tháng 7, 2011

1904 DALAT-L'Annam

L'Annam vers 1904  

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Gabrielle Vassal nous offre une magnifique description de l'Annam à travers le récit de ses aventures "Mes Trois Ans d'Annam". De nationalité anglaise, elle épousa un médecin français. Peu de temps après, son mari est nommé à Nhra Trang. Le couple part donc "en voyage de noces", en 1904, pour une destination inconnue à tous les deux, qui s'avérera riche en aventures. Sur place, ils côtoient notamment le docteur Yersin, qui développe son laboratoire. Dans un style alerte, et doté d'une sensibilité bien féminine, le récit s'attache à décrire la vie quotidienne, les loisirs, les évènements de la vie, les excursions en pays Moi, les scènes de chasse... Riche en anecdotes, drôle, ce récit est captivant et demeure un témoignage exceptionnel de la vie de cette époque.      
"Mes Trois Ans d'Annam" a été publié en 1912 par Hachette (303 pages, préface du Dr Roux, illustrations).

Une version allégée fut publiée d'abord dans la revue "Tour du Monde", en 1911,  avec de nombreuses et belles photographies prises par l'auteur. Texte de la revue Tour du Monde  
Merci à F.Pinet qui m'a fait découvrir ce récit !
Extraits

Nha Trang en 1904

NhaTrang est un village de pécheur de 3000 âmes environ. C’est la capitale européenne de la province de Khanh-Hoa, bien que la population blanche ne dépasse pas guère 20 ou 30 personnes : le Résident, les fonctionnaires de la province, l’Institut pasteur, quelques colons, c‘est à peu près tout. Tous les 15 jours, les bateaux annexes qui vont à Haiphong débarquent des européens qui rejoignent leur poste, des fonctionnaires de la Douane ou des Travaux Publics.
La maison du Docteur Yersin à Nhatrang

Les premiers jours .....
Nous étions installés depuis 2 jours seulement que les fourmis avaient envahi le sucre, les gâteaux et presque toutes nos provisions. Et bientôt après, je trouvais des papillons et des cancrelats [sorte de lézards] dans les armoires , sur nos vêtements et un scorpion dans la chambre à coucher sans compter les mouches et les moustiques.

La maison de type colonial des Vassal, "assez commun en Indochine à cette époque" 



Le personnel indigéne.

Que de déceptions ! Je découvris, dès la fin du premier mois, que toutes les serviettes et le linge que j’avais tirés de mes plus beaux stocks n’existaient plus ou étaient en morceaux. Le torchon spécial de la verrerie avait servi à nettoyer les souliers, un autre figurait sur la tête du boy, - ce qui n’empêchait pas ce dernier d’en essuyer encore les assiettes ! -
Malgré bien des difficultés au cours de nos chasses ou de nos excursions, nous avons réussi à faire une ample moisson zoologique. Lorsque nous essayames d’envoyer les indigènes à la chasse, il nous arrivé des aventures fâcheuses: l’un s’échappa avec le fusil, l’autre tua le cochon de son voisin etc.. Un jour, mon mari avait réussi à rapporter un faisan qu’il recherchait depuis fort longtemps et qui était probablement d’une espèce inconnue ; pendant qu’il prenait son bain et changeait ses vêtements, il laissa un moment le précieux volatile pour le réclamer bientôt. Le cuisinier l’apporta... plumé !

L'auteur, en costume de Quan Bo, entourée de la princesse Thuyen Boa et de la 1ere femme du Quan Bo. 

Les chiens
Aussitôt débarqués, nous fumes entourés par les chiens qui aboyaient furieusement. Sans un des enfants qui nous avait suivis, nous aurions été sérieusement mordus. Les chiens des européens se précipitent sur les indigènes qui essaient de pénétrer dans un enclos, mais les chiens des indigènes, par une touchante réciprocité, sont également féroces contre les européens. Les bêtes sont cependant parfois de la même race et de la même famille !
Le jeu
Le jeu est un des plus graves défauts des Annamites ; ils ne boivent pas, ne se querellent pas et sont de moeurs très douces, mais il ne peuvent pas s’empêcher de jouer ; voilà pourquoi des ouvriers habilles et intelligents sont toujours sans ressources et vivent péniblement au jour le jour. Pendant le Têt, les plus sérieux se laissent entraîner. Ce sont les chinois qui exploitent leur vice et en tirent de notables bénéfices. Ceux ci ne se départissent pas de leur calme, tandis que leurs partenaires s’emballent , et ils ramassent en ces quelques jours plus de piastres que durant tous le reste de l’année. En dehors du Têt, ou le jeu est toléré par les autorités, ils entretiennent des tripots clandestins. Quant un paysan a récolté et rentré son paddy [riz non décortiqué] , il reçoit la visite du chinois voisin ; ce dernier s’assied cause et accepte le Choum Choum [alcool de riz blanc] aimablement offert. Le Céleste, qui a eu bien soin de réfréner sa soif, propose finalement une partie de cartes. Vers l’aube lorsque le visiteur se retire notre pauvre paysan a perdu jusqu’au dernier grain de sa récolte. Les chinois évincent d’ailleurs facilement tous les Annamites de tous les commerces de détail et tiennent par exemple toutes les épicerie ou s’alimentent les européens. De plus ils prêtent à des taux usuraires et trouvent mille moyens de tondre les indigènes.
Le théâtre Annamites
Le théâtre Annamite comprend des tragédies, des comédies et des pantomimes. Les pièces durent en général 3 jours et 3 nuits ; les artistes ne s’arrêtent que pour prendre leur repas. Les Annamites montrent un goût très vif pour le théâtre ; les salles de spectacles ne désemplissent jamais. [....] On n’applaudit pas les acteurs, comme chez nous. Il y a un tam- tam près de la scène et autrefois le spectateur qui voulait manifester son approbation pour une tirade bien débitée ou un geste bien compliqué, se levait, se dirigeait vers le tam-tam et le frappait violemment. Maintenant le tam-tam n’est plus à la disposition du public. C’est un personnage considérable de l’assistance qui en est chargé. Il doit traduire les sentiment du public, à la manière du choeur antique ou comme le Koto du théâtre japonais; mais en réalité, il ne fait qu’un accompagnement infernal et assourdissant.
 "Nous aimions à diriger nos promenades vers un coude du fleuve que les buffles traversent" ; A la saison des pluies, les meilleurs routes deviennent impraticables


Etre enfant
Les enfants annamites ont une vie très heureuse et très gaie pendant les premières années : on ne les entend guère pleurer que lorsqu’ils sont malades ; les pleunichements et les scènes des petits européens leur sont inconnus. Il y a peu de race aussi prolifique que celle de l’annamite [...] Mais les règles de d’hygiène sont inconnues.
C’est une vielle Ba-gia du village qui fait office de sage femme ; le médecin annamite, quant il intervient, ne peut pas voir sa malade ; il donne sa consultation à travers une porte entrebâillée. Quels préjugés il faut vaincre pour faire appeler le médecin français ! Mon mari a quelquefois été témoin de spectacles navrants. Telle pauvre femme a été laissée sans secours pendant deux ou trois jours. Quand la Ba-gia a osé intervenir, c’est pire ! Le désastre est souvent irréparable. Un brasier de charbon n’a cessé de brûler sous le lit ; toutes les ouvertures ont été tenues fermées et l’on a placé sur l’accouchée toutes les hardes de la famille. Beaucoup d’enfant meurent du tétanos parce que les premiers pansements sont faits avec de la terrez glaise [...].
Le marché
L’occupation favorite des jeunes filles et des femmes Annamites est certainement d’aller au marché. Elles aiment les heures de liberté passées dans la société de leurs amies et compagnes et par dessus tout les occasions de déployer leur habilité de commerçantes. [..]
Les femmes ne manquent jamais un jour de marché, même par les temps les plus affreux et par les inondations les plus sérieuses. On dirait même qu’il y a plus de monde alors sur la place ! Peut être trouvent-elles très amusant d’aller par les routes submergées, tantôt sur un petit bateau, tantôt dans l’eau jusqu’à mi corps. Pourvu que la marchandises ne se mouillent pas, elles sont prêtent à tout.[...]
Il y a deux séances de marché tous les jours : une le matin ou le soir. Les femmes s’en retournent chez elles aussi chargés qu’elles étaient venues, car si elles ont vendu, elles ont aussi acheté.


Une femme annamite en costume d'intérieur 

Le mariage
L’entremetteur choisi par le garçon, se rend chez les parents de la jeune fille et formule ses propositions. Si la réponse est affirmative, la famille du garçon envoie sur une carte rouge ses noms, âge, jour de naissance etc.. L’entremetteur reçoit les mêmes indications de la part de la jeune fille. Des consultations sont demandées aux devins pour établir si les âges et les familles des futurs se conviennent. L’entremetteur fixe le jour de la cérémonie, tandis que les parents multiplient les sacrifices et les prières aux ancêtres. Ensuite le fiancé, avec un cortège de parents et de notables du village se transporte dans la famille de la jeune fille. Il offre des cadeaux : bétel, noix d’arec et choum choum ; s’ils sont agrées , le soupirant a le droit de porter le titre de " gendre ". Dans les familles pauvres, le gendre a le droit de vivre sous le même toit que sa fiancée.
Viennent ensuite les fiançailles. Nouvelle visite du gendre à ses beaux parents pour la présentation des cadeaux. La corbeille de noce doit contenir du bétel et de l’arec, des bracelets, des soies diverses, deux cierges rouges, des tasses d’alcool de riz et un petit cochon rôti et laqué. Le cortège est de l’effet le plus pittoresque et le plus animé. On a revêtu les habits de cérémonie, les grands parasols se balancent au dessus des têtes, les joueurs de flûte font rage. On arrive ainsi à la demeure de la fiancée. Les présent sont déposés sur l’autel ;les cierges rouges sont allumés, de l’alcool de riz est versé dans les tasses. Les deux pères se lèvent ensemble et se prosternent, puis les mères. Un banquet termine la cérémonie.
Le jour des noces est plus imposant encore. Le père de famille réunit tous les parents devant l’hôtel des Ancêtres et présente l’enfant qu’il va marier. Au milieu d’une foule d’amis, de parents, d’invités et précédé des serviteurs qui portent les cadeaux, le fiancé se dirige vers la maison de la jeune fille. Après avoir parlementé, tous pénètrent et se rangent autour de l’autel. Le fiancé se prosterne d’abord et vient offrir à ses beaux parents le bétel et le vin, tandis que son père donne lecture de l’inventaire des cadeaux. Les époux se rendent dans l’appartement qui leur a été réservé. Là, sur l’autel des génies de l’hyménée, on allume les cierges et on brûle des baguettes d’encens. Les parents exhortent les mariés à rester unis jusqu'à la mort et leur souhaitent une belle postérité. Quelques prières sont dites en commun et les parents se retirent.
Le moment est solennel. Autrefois, la marié enlevait alors seulement son voile, et le mari était censé la voir pour la 1ere fois. En Chine, une jeune fille bien élevée ne devait pas avoir vu son futur avant le mariage. Les époux échangent une tasse de vin de riz. La marié se prosterne quatre fois devant son époux ; celui ci une fois seulement. Le mariage est accompli. Les jeunes gens viennent prendre part au festin qui commence aussitôt. Les formalités pour épouser une femme de deuxième rang ne sont point aussi compliquées, puisque cela se ramène à un simple contrat de vente.
Les Annamites sont polygames à des degrés divers. Le roi a un grand nombre de femmes, les plus grands mandarins dépassent rarement quatre ou cinq. Les pauvres sont monogames par nécessité. C’est en effet la situation de fortune qui règle le nombre de femmes. Les marchands, les fonctionnaires qui se déplacent ont l’habitude de fonder des ménages dans leurs principales étapes. La femme sert d’associée commerciale et d’intendance. [...]
La condition sociale de la femme annamite a donc atteint un degré très élevé. Bien des civilisations d’occident n’ont point reconnu à la femme des droits plus étendus.

L'auteur en side-car 

Le savoir
Le savoir est apprécié par l’annamite, qui ne prend ses fonctionnaires que parmi les lettrés. Tout grade aux examens correspond à une fonction hiérarchique, de sorte que l’Annam pourrait être cité comme une démocratie idéale, où le pouvoir appartient aux plus instruits. Il n’est pas jusqu’au moindre paysan qui ne soit capable d’aligner au pinceau quelques centaines de caractères et de rédiger une supplique.
Le tigre
[...] Il fallu bientôt se rendre à l’évidence : le tigre seul peut se promener à sa guise la nuit. L’homme est peut être le maître le jour ; la nuit, c’est le tigre.
108ChaiseAPorteur.jpg (108730 octets) L'heure du triomphe ; Il est peu pratique dese déplace en chaise à porteur..

Les Mois
[Visite de Dankia, qui s’étend au pied des monts Lang Bian]
[...] Les hommes fument la pipes. Après en avoir tiré quelques bouffées, ils la passent à leurs voisines. Aux éclats intermittents du brasier, les bijoux dont les femmes sont couvertes brillent et s’éclairent. Ce sont de larges anneaux de cuivre et d’étain qui entourent les bras et les jambes. Il en est aussi qui garnissent la poitrine et qui tombent du cou. [...] Les lobes des oreilles sont démesurément allongés : ils peuvent aller jusqu'à l’épaule et atteindre même le sein. On se demande ce qu’il a fallu de temps et de patience pour obtenir ce résultat. Tout de même, les appendices sont minces et doivent porter un poids vraiment lourd ! Mais les femmes Mois prennent bien des précautions pour les empêcher de se rompre. Elles remplacent le plus souvent les anneaux de métal par une rondelle de bois et en courant elles les supportent avec leurs mains. Malgré tout, la rupture a souvent lieu. Si c’est une jeune fille, malheur à elle, car elle ne trouvera que difficilement un épouseur : toutes les tortures qu’elle a subies depuis sa tendre enfance sont devenues inutiles. Les vielles, au contraire, étalent sans inconvénient les deux longues lanières qui ont cédé et qui les rendent encore un peu plus repoussantes.
à Dankia, nous étions au milieu des Mois

Jamais un Moi ne se déplace sans sa hôte.
[...] En outre, les Mois du plateau se font tailler en biseau les incisives. L’opération n’a rien de tentant. Je l’ai vu pratiquer sur un jeune garçon de Dankia. La tête était solidement maintenue entre les genoux de l’opérateur, pendant qu’un morceau de pierre ponce usait l’émail des dents. Les gestes du chirurgien étaient plutôt rudes : de la bouche de l’enfant s’écoulait une bave ensanglantée. Comme il faut s’y reprendre à plusieurs fois, pendant une semaine environ, on peut juger des sensations éprouvées par le patient. Personne ne cherche à s’y soustraire, car il faut montrer des dents aiguisées de jeune loup pour être considérés comme un homme et prétendre au mariage.


Un enterrement Moï

Le cercueil : je vois seulement qu’il a été fait d’un tronc évidé et que l’on a répandu un peu de peinture, du rouge et du noir, sur les cotés. Sur le couvercle du cercueil, il y a un poulet, les pattes liées. Il n’a pas plus de quelques jours. Si l’infortuné est destiné à un sacrifice, on n’a pas été bien généreux ; mais j’ai appris dans la suite qu’il n’avait pas été tué. Les Mois abandonnent sur les tombes un animal vivant pour que l’âme puisse y trouver une demeure au lieu de revenir dans le village et y apporter le trouble.
La défunte était l’une des épouses du pholy [équivalent du Maire]. Après une longue attente, je vois descendre le cercueil dans la fosse. Au dessus de la tête, on place un bol de riz et une petite jarre de ternum, religieusement entourés de grandes feuilles de bananier, avant de la recouvrir de terre. Un bambou plongeant dans le bol vient émerger au dessus de la tombe, afin de renouveler les provisions de bouche du mort. Les sauvages visitent les tombeaux de temps en temps et s’occupent de nourrir les morts pendant une année. Dans certaines tribus, ils ouvrent alors les tombes et dispersent les cendres au vent.
Je reviens par Beneur. Au milieu du village, un grand poteau s’élève, décoré de marques rouges et sculpté d’entailles symétriques. On se prépare pour le sacrifice du buffle, complément obligatoires d’obsèques importantes. Le sacrifice du buffle a lieu dans les grandes fêtes, à la moisson et pendant les épidémies, pour fléchir les mauvais génies. L’animal, désigné par le sorcier, est attaché au poteau. Un chef, portant pour la circonstance un pantalon annamite ainsi qu’une tunique et un turban, s’avance, joint les mains et récite une longue prière sur un ton uniforme. Tantôt il s’incline vers la victime, tantôt il regarde la population du village qui l’entoure. Tout à coup, avant même que j’aie pu me rendre compte de ce qui allait arriver, le buffle était mort. Deux hommes s’étaient élancés avec leurs hachettes et avaient tranché les jarrets, puis l’officiant avait ouvert la gorge avec un coupe coupe. Toute la population se rue maintenant sur la victime et la perce de mille coups répétés. Le sang qui s’échappe de la gorge a été, me dit on, recueilli dans une coupe de cuivre et mis de coté solennellement. Un semblant de prière reprend sur le cadavre, et d’une maison voisine viennent des coups de gong et de tam tam.
Quand l’officiant s’est retiré, les hommes, les femmes et les enfants se précipitent sur le buffle et se mettent à le dépecer. Il n’en reste bientôt plus un morceau. La bombance va commencer.

Photographie d'un village Mois au complet

Les Mois à la chasse
Les Mois de ce village sont d’excellents chasseurs et manient l’arc et les flèches avec une adresse prodigieuse, si du moins l’histoire qui nous fut contée est véridique. Quand ils vont à la chasse aux singes, par exemple, ils se divisent par paires et, tandis que l’un prend son arc et monte très haut sur les arbres pour mieux atteindre sa proie, l’autre se tient prêt en bas pour renouveler la provision de fléchés : il les lance avec son arc dans le chignon du camarade. Le jeu semble plutôt risqué !
Le sacrifice du buffle a lieu dans les grandes fêtes pour fléchir les mauvais génies ; Porteurs Mois dans l'attente de la paie. 




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